Après le cirque, le théâtre, le cinéma, l’actrice Vimala Pons se frotte au son. « Film sans images » : c’est ainsi qu’elle a estampillé son premier livre audio, Mémoires de l’Homme Fente, qui sort en cassette audio et en format numérique. Juste formule tant, même les yeux clos, l’auditeur peut voir surgir les scènes qu’elle décrit avec malice : une mise aux enchères des tableaux d’un peintre qui nous fait passer d’une salle des ventes à des scènes d’enfance, en offrant un détour halluciné par les toilettes. Réminiscences ? Réel ? Fantasmes ? On ne sait jamais vraiment où on est, « comme quand, dans la vie, notre cerveau s’égare, passe d’une conversation à une fixette absurde, d’un mot à un souvenir lointain qui remonte », sourit la trentenaire.
« Depuis cinq-six ans, j’écoute beaucoup de films à l’oreille, sans les images. C’est parti d’un vidéoprojecteur cassé. Il y a des films que je connais presque par cœur, au son, des Fellini ou “La Vie aquatique”, de Wes Anderson. »
La commande, passée par Loup Gangloff, du label Transcachette Tapes, est simple : Vimala a carte blanche pour enregistrer une cassette. « J’ai commencé par recueillir des bribes de sons de spectacles, mais j’ai vite compris que la musique n’est pas mon médium », se souvient la comédienne. Un soir, son amie Julia Lanoë (membre des groupes Sexy Sushi et Mansfield. TYA), autrice de quatorze copies de tableaux peints d’après un paysage de montagne déniché dans une brocante et signé d’un mystérieux J.C.
De Venty, lui demande, entre deux bières, d’improviser une fausse vente aux enchères de ces toiles. « Je me suis isolée une demi-heure dans la soirée où nous étions et j’ai écrit les arguments d’un commissaire-priseur pour faire monter les enchères de chaque copie : de là est née l’idée d’essayer de faire la biographie de ce J.C. De Venty inconnu. » Et celle qui aime les cassettes du journaliste conteur Alain Decaux d’ajouter : « Depuis cinq-six ans, j’écoute beaucoup de films à l’oreille, sans les images. C’est parti d’un vidéoprojecteur cassé. Il y a des films que je connais presque par cœur, au son, des Fellini ou La Vie aquatique, de Wes Anderson. »
Un peintre imaginaire
A l’été 2018, elle tricote donc sur son carnet la biographie imaginaire du peintre : elle lui offre des origines hongroises, un père exigeant, un caractère, et le gratifie d’un pseudonyme d’artiste, Mikki Rappuleinen. L’été suivant, elle s’isole dans sa cabane de La Tremblade, en Charente-Maritime, avec carte son, micro, ordinateur et instruments (synthétiseurs, clarinette, flûte, xylophone…), et réalise une première version de travail. « Un habillage d’ambiance, explique-t-elle. Je tenais à m’arrêter juste avant que cela ne devienne de la musique. »
Mais c’est confinée que Vimala Pons a dû terminer l’ensemble. « A l’origine, je voulais que les rôles soient interprétés par des réalisateurs et des acteurs avec lesquels j’ai travaillé par le passé » : Bruno Podalydès, Antonin Peretjatko, Baya Kasmi ou son complice Tsirihaka Harivel… Dans l’impossibilité d’aller enregistrer leurs voix au printemps dernier, elle a pris en charge tous les rôles, ses camarades ayant simplement envoyé par e-mails quelques captations de phrases, mixées ensuite avec les bruitages (chuchotements, bruits de pas) réalisés dans son appartement.
Au bout du compte, l’aventure lui a pris des mois. « Je ne m’étais pas rendu compte que tenir un récit sur 52 minutes allait être aussi long », reconnaît la comédienne. Et qu’importe, puisque déjà elle s’y réessaie : elle vient d’achever le mixage d’un nouveau livre audio, une romance entre deux femmes, en anglais, attendu en vinyle chez Warrior Records et Kythibong, en avril 2021.
Mémoires de l’Homme Fente, de Vimala Pons, chez Transcachette Tapes, 7 € la cassette, 6 € en version numérique. Sortie le 16 novembre.
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