Furtivos, Vicente Paredes

L’urbanisation généralisée ne détermine pas l’abandon de l’agricole mais sa réorganisation. L’objet du livre Furtivos, de Vicente Paredes, est une de ces réorganisations possibles. Celle-ci passe par une résistance des citadins à maintenir la culture du sol.

L’urbanisation généralisée ne détermine pas l’abandon de l’agricole mais sa réorganisation. L’objet du livre Furtivos, de Vicente Paredes, est une de ces réorganisations possibles. Celle-ci passe par une résistance des citadins à maintenir la culture du sol.

Lors de la transformation de Bilbao en une ville industrielle, une forte population rurale, appelée par l’emploi, s’y installa. Ces nouveaux habitants, convertis brutalement à la condition ouvrière, furent alors inclinés à renoncer à leur affection pour la terre. Mais alors que la privation de la pratique agricole était entendue par les schèmes d’une nouvelle distribution démographique, ces mêmes habitants se mirent à occuper des espaces sans propriétaires, en marge de la ville, où rejouer leurs activités passées. C’est à cet endroit qu’il y a résistance, dans l’appropriation par l’usage, l’action de remplir l’espace de réserve de la ville par des plantations de légumes et des cages à lapins.

Les photographies de Furtivos se constituent comme témoins de ces pratiques. Mais outre le choix du sujet, l’objet du travail, encore faut-il trouver la façon de montrer. À ce questionnement, montrer justement, la réponse de Vicente Paredes n’est pas sans rappeler celle de son camarade Ricardo Cases à l’endroit de la chasse. Ici, portraits de paysans-urbains, micro-installations agricoles, outils et mobiliers détournés, sont fixés avec une même acuité descriptive. L’utilisation d’éclairages électriques en plein jour travaille la représentation, engendre de l’artifice (rejoignant le projet brechtien). Les sujets des images semblent non naturels, les matières sont exacerbées. Le papier brillant du livre et la mise en page irrégulière rejouent ces attributs. De ces photographies sont supprimés tout espace de projection possible, toute dramatique. Vicente Paredes insiste, produit une visibilité particulière ne laissant place à aucune passion. Nous ne sommes pas conduits dans un imaginaire, mais animés par notre action de voir. Les représentés deviennent in-familier, ils sont mis à distance pour devenir des figures épiques.

Cédric Mazet

 

Ouvrages à retrouver à la Bibliothèque :

  • Furtivos, Vicente Paredes, Fiesta / Editorial RM, Mexico, 2012 [M 2012 PAR.1]
  • La caza del lobo congelado, Ricardo Cases, Fiesta, s. l. (Espagne), 2009 [M 2009 CAS.1]