La Sainte-Victoire à Annecy 

Par Catherine Ferey

Le musée-château d'Annecy accueille jusqu'au 30 avril 2000
"Montagne Sainte-Victoire", une exposition de photographies de trois artistes contemporains, Fabienne Barre, Brigitte Bauer et Béatrix von Conta.

De cette montagne mythique, lieu cézannien par excellence, les trois artistes proposent de nouveaux regards. Comme le peintre qui, peignant dix-huit tableaux de la montagne Sainte-Victoire, ne cherche pas à imiter un paysage réaliste, les photographes la considèrent comme un "lieu d'impulsions subjectives", pour reprendre les termes de William Saadé, conservateur en chef des musées d'Annecy et commissaire de l'exposition.
Comme le peintre, les photographes cherchent les contrastes entre structuration et chaos, les rapports entre profondeur et couleur; elles éprouvent la mobilité du réel dans le spectacle perpétuellement changeant de la montagne, dans la profusion des points de vue.

Brigitte Bauer montre ses tirages-couleur où se déclinent les indispensables questions de l'image: la forme, la couleur, la lumière et la construction. De sa première intention dont elle dit qu'elle avait "juste voulu photographier une montagne", elle est entrée dans un processus d'apprentissage des choses du paysage, la montagne Sainte-Victoire est devenue toutes les montagnes.
La construction traditionnelle depuis la peinture du Moyen-Age place la montagne en fond de tableau. Brigitte Bauer privilégie elle aussi, semble-t-il, les premiers plans, les plissements blancs de la montagne Sainte-Victoire fermant ses compositions. En fait, une observation attentive montre qu'elle procède à l'opposé. L'image se construit à partir du fond, à partir de la montagne. Elle l'organise. Les aplats de blancs de ses arêtes révèlent les rouges-bruns de ses labours du premier plan. La netteté de ses contours accentue le flou du tracé du chemin qui la longe. L'aridité de ses pentes contraste avec la végétation qui pousse à ses pieds.

Fabienne Barre montre un travail très technique dont elle explique les choix. L'incendie de l'été 89 ravage une grande partie de la végétation. La vision hallucinée des pentes calcinées est loin de l'image cézanniene douce en couleur. Les filtres et les supports qu'elle utilise accentuent les contrastes des gris, donnent aux tirages des aspects poudreux de dessin au fusain. La photographe fait une lecture inquiète de la montagne qu'elle ne montre que par temps d'orage, blessée par l'incendie. Les contrastes de lumière isolent le sujet dans la vision choisie de l'artiste.

Béatrix von Conta conjugue la forme triangulaire qu'elle isole sur le dos des pierres, dans les infractuosités des parois, dans les traces laissées par l'incendie. Elle rend visibles les évènements géologiques par un travail chromatique qui transforme la montagne en "nuage coloré", que l'utilisation de faux panoramiques élargit artificiellement. La roche, saisie de près, par ce travail de couleurs, est présente, au-delà du simple regard. Le traitement photographique de l'artiste provoque l'odorat et on devine l'odeur sucrée des pins qui terminent de se consumer comme on croit éprouver de la paume de la main l'aspérité sèche de certaines pierres au dos rond.

Catalogue
Montagne Sainte-Victoire
Photographies : 1 Fabienne Barre
2 Brigitte Bauer et la galerie Polaris (Paris)
3 Béatrix von Conta et la galerie Le Réverbère 2 (Lyon)
Texte : Jean Arrouye et William Saadé
Editeur : Images en Manœuvre, Marseille, 104 p.74 photographies.


Musée-Château d'Annecy
Tel :(33) 04 50 33 87 30
Prochaine exposition : Folimage en Juin