“I Am”, la première monographie de Erwin Olaf

par Oanell Terrier
Zooms Livres

Le photographe néerlandais s'offre pour son soixantième anniversaire une monographie aux éditions Hannibal et une exposition itinérante à travers les Pays-Bas. Un ouvrage essentiel pour comprendre l'œuvre plasticienne et politisée de l'artiste.

“The Ice Cream Parlor”, 2004. De la série “Rain”.
© Erwin Olaf / Courtesy of Flatland Gallery.

“Ce que j’ai retenu du journalisme, c’est mon intérêt pour la vie des autres. La photo m’a permis d’entrer dans un monde qui n’était pas le mien. Je pouvais me cacher derrière l’appareil, mais aussi prendre part à ce que je voyais.” A la fin des années 70, le jeune Erwin Olaf troque sa plume contre un boîtier et s’immerge dans les nuits amstellodamoises. “J’ai voulu me concentrer sur des groupes qui n’appartenaient pas à la société ‘normale’, raconte le Néerlandais. Un de mes premiers projets a été de prendre des clichés sur le thème: ‘Qu’est-ce que la normalité?’ C’est une question que je me pose encore.”

Erwin Olaf aura 60 ans cette année. Pour son anniversaire, l’artiste s’offre une exposition itinérante à travers les Pays-Bas, accompagnée d’une riche monographie, sa première d’ailleurs. Chronologique, l’ouvrage explore, en quelque 240 photographies, les quatre décennies de sa carrière.

“The Family Visit, Portrait #1 (The Niece)”, 2018. De la série “Palm Springs”.
© Erwin Olaf / Courtesy of Flatland Gallery.
“Keyhole 6”, 2012. De la série “Keyhole”.
© Erwin Olaf / Courtesy of Flatland Gallery.

En feuilletant “I Am” et en lisant ses textes érudits, un constat s’impose: chez Erwin Olaf, la forme ne l’emporte jamais sur le fond. Malgré une approche plutôt plasticienne, voire esthétique, ce roi du studio est l’auteur d’une œuvre politisée, imprégnée par les grandes questions contemporaines. Il scrute autant les émotions que les cataclysmes de nos sociétés.

Deux ans après la série “Chessmen” (1987-1988), qui l’a fait connaître, il réalise “Blacks”. Des modèles complètement maquillés de noir posent sur fond noir et questionnent l’égalité entre les hommes. Les autoportraits bâillonnés de “Tamed and Anger”, conçus en 2015, sont une réaction à l’attentat contre “Charlie Hebdo”. En 2004 déjà, “Rain” était inspirée par l’état de sidération qui avait suivi le 11-Septembre aux Etats-Unis.

L’ouvrage dresse ainsi un panorama complet de cette vision inspirée, incluant ses plus récentes photographies, réalisées entre Shanghai et Palm Springs. Publiées pour la première fois, ces images évoquent un certain déclin de l’Occident. Autant d’énigmes à résoudre, d’histoires sans paroles, de récits suspendus à travers lesquels Erwin Olaf dépeint, à coups de flash, la condition humaine et un monde de silences et de dilemmes.

Couverture de “I Am”.
© Erwin Olaf / Courtesy of Flatland Gallery.

Le lecteur est comblé par ses mises en scène subversives –évoquant Robert Mapplethorpe ou Joel-Peter Witkin– comme par ses travaux plus statiques. Un très beau voyage à travers une œuvre où l’influence de la peinture hollandaise se fait sentir, notamment grâce à la maîtrise du clair-obscur. On ne renie pas ses origines.

1/3
  • “The Kite”, 2018. De la série “Palm Springs”.
    © Erwin Olaf / Courtesy of Flatland Gallery.
  • “Masonic Lodge, Dahlem”, 2012. De la série “Berlin”.
    © Erwin Olaf / Courtesy of Flatland Gallery.
  • “The Hallway”, 2005. De la série “Hope”.
    © Erwin Olaf / Courtesy of Flatland Gallery.
Partager l’article avec vos proches