Biography

Franco Vaccari est artiste italien pluridisciplinaire. Photographe mais aussi poète et cinéaste, Franco Vaccari adopte une approche artistique aux disciplines croisées et élabore des théories sur la photographie, son ouvrage Fotografia e iconscio tecnologico (La photographie et l’inconscient technologique) de 1979 étant le plus célèbre.

Au cours des années 1960, Franco Vaccari allie à la mise en scène d’objets du quotidien, un questionnement sur le langage de la surveillance et du conformisme. Ses œuvres mettent en jeu des réflexions autour des conditions spatiales, physiques et temporelles de l’expérience sensible. Mettant en scène un espace libéré de l’objet que peut produire l’artiste, l’œuvre devient chez Vaccari dépendante de la volonté du spectateur à participer au dispositif.

Invité à exposer à la Biennale de Venise en 1972 sur le thème « Œuvre ou comportement », Franco Vaccari déplace au sein du Pavillon italien, une cabine automatique de photographie dite usuellement Photomaton et incite les visiteurs, dans une salle vide et aux murs blancs, à participer à son installation. Guidé par une phrase traduite en plusieurs langues : « LAISSE SUR CES MURS UN TÉMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE DE TON PASSAGE », le visiteur devient le déclencheur d’un processus englobant l’action et la réflexion du spectateur que l’artiste ne contrôle pas. C’est en ce sens que Vaccari décrit lui-même le résultat de ce travail comme se faisant en « temps réel ». Exposition en temps réel n°4, produite à l’occasion de la Biennale, redéfinit les notions de privé et public. L’espace public de l’exposition contient ainsi, un dispositif public : la cabine photographique ; qui contient en elle-même un espace intime, privé.

Le dispositif de la cabine photographique, arrivé dans les années 1920 aux États-Unis et en Europe ne laisse pas Vaccari indifférent et c’est en s’y intéressant que l’artiste aime à questionner les outils de surveillance ainsi que l’intrusion des nouveaux médias dans notre quotidien. Les photographies d’identité auparavant réservées à l’identification de criminels et autres individus jugés anormaux, se voient désormais utilisées pour témoigner de l’identité de n’importe quel individu et participer à la constitution de banques de données renseignant les fichages nationaux, aujourd’hui banalisés.

La réflexion artistique de Vaccari se distingue de l’attrait que portent les postmodernistes à l’objet. L’œuvre de l’artiste ne dépend plus alors de la main de l’artiste et de sa capacité à décider de la caractérisation esthétique d’un objet, mais de la mise en place d’un système qui permet au spectateur de réfléchir autour du médium. En opposant ces images à la définition d’un chef-d’œuvre de musée, Vaccari critique le système artistique tout en détournant l’usage social d’une technologie qui nous subordonne.

L’espace de cette exposition met en scène l’identité sociale, ethnique, sexuelle, communautaire du visiteur mais interroge également le système de l’identification légale délivrant usuellement la photographie d’identité. Vaccari déplace un objet de la vie quotidienne destiné à la production d’images à bas coût pour l’y introduire dans l’espace prestigieux d’une exposition et proposer au visiteur d’interagir et de se réapproprier son image de manière ludique afin de créer une œuvre collective.

Avec cette installation, Vaccari se nie en tant qu’ « artiste-œuvre ». En accrochant en premier au mur une bande de son portrait, l’artiste invite le public à réaliser une œuvre commune. Il déclare à ce sujet : « je radicalisais la position des avant-gardes de l’époque, je la poussais à l’extrême, en occultant ma présence d’auteur. En m’éclipsant, j’accomplissais le geste le plus radical. En même temps, il s’agissait d’une disparition apparente, j’étais devenu l’auteur occulte, j’avais déclenché un processus qui se développait tout seul. » À la différence du happening où l’œuvre se termine avec l’événement, les installations de Vaccari s’étendent à plusieurs moments : celui de l’exposition ; celui de la collecte des matériaux avec l’accrochage et la sélection des portraits par les visiteurs, la remise d’un certificat de participation et enfin le moment de la documentation avec la récolte et la sélection des portraits par l’artiste, la publication de livres et leur circulation.

« Je voulais m’occuper de tout ce qui précède l’image, en ne privilégiant pas le résultat final, mais le processus. […] En fixant les visages des participants, je devenais moi-même collectionneur de visiteur. Je construisais, en quelque sorte, une autocertification de cet événement. »

Cette œuvre, déclinée avec Photomatic d’Italia, réalisée entre 1972 et 1973 met en scène un dispositif étendu à plus de mille cabines photographiques accessibles dans toute l’Italie. À l’extérieur de la cabine, une affiche publicitaire créée à l’occasion, disait rechercher des acteurs novices pour participer à un prochain film. Le visiteur pouvait alors se photographier, 24 h/24 et laisser sa photo dans une boîte prévue à cet effet. Ces photographies ensuite collectées et sélectionnées par l’artiste furent également l’objet de publications.

La question de l’usage d’un média photographique servant d’outil de surveillance est d’autant plus d’actualité qu’elle fait écho à de nouveaux outils de communication se servant de notre image et de nos informations personnelles pour constituer des bases de données encore plus complètes. « Aujourd’hui, il y a un marché de l’expérience visuelle collective, de l’implication créative du public avec des applications comme Facebook. […] Avec Facebook, l’apparente possibilité virtuelle cache un remote control plus occulte. »*

Les installations de Vaccari cherchent à redonner au spectateur une volonté de reprendre le contrôle sur une société déshumanisée par des technologies et des médias coercitifs. Ses œuvres mettant en scène des codes-barres et des télévisions (Esposizione in tempo reale No. 6 : Il mendicante elettronico, 1973 ; Esposizione in tempo reale No. 21 : BAR CODE-CODE BAR, 1993) invitent de la même manière le spectateur à s’interroger sur le sens d’une société instrumentalisée par des outils de domination et d’individualisation.

Franco Vaccari, naît en 1936 à Modène. Diplômé en physique à l’Université de Milan, il commence sa production artistique en tant que poète visuel (Pop esie, 1965 ; Entropico, 1966 ; Le tracce, 1966 ; Atest, 1968 ; La scultura buia, 1968 ; Strip-street, 1969 ; Per un trattamento completo, 1971) et s’attèle par la suite à une réflexion théorique sur les moyens de communication et le processus artistique (Duchamp e l'occultamento del lavoro, 1978 ; Fotografia e inconscio tecnologico, 1979). Dès 2004, il enseigne à la Faculté d’architecture Polytechnique de Milan et à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg.

Récemment son travail a été exposé à la Fondazione Cineteca Italiana – Spazio Oberdan (Milan, 2008) ; Ex Ospedale Sant’Agostino (Modène, 2009) ; Galleria Michela Rizzo (Venise, 2009) et à la Galleria Transarte (Rovereto, 2010).

* citations issues d’un entretien de Franco Vaccari avec Clément Chéroux et Giuliano Sergio, tenu à Modène le  30 juin 2011. [Clément Chéroux (dir.), Derrière le rideau – L’esthétique Photomaton, cat. expo, Lausanne, Musée de L’Elysée, (17 février-20 mai 2012)  ; Bruxelles, Le  Botanique-Centre culturel de la Communauté française, 28 juin-26 août 2012 ; Vienne, Kunst Haus Wien, 11 octobre 2012-13 janvier 2013), Lausanne Arles : musée de l’Élysée : Photosynthèses, 2012.]