Importance : |
1 vol. (n.p.) : ill. en noir. |
Résumé : |
Les pierres ont une longue histoire chez nous : la minéralisation a conduit aux os, à la moelle épinière, au cerveau et plus tard au langage. Ils ont été notre premier territoire, refuge, outil et aussi arme. Ils étaient l'endroit où nous avons commencé à dessiner et à écrire ; nous les avons élevé comme des tombeaux et des charmes les transformant en symboles de mémoire. En les frottant, le feu à émergé. Les pierres ont-elles de la volonté ? Est-il possible de réfléchir à notre histoire du point de vue des minéraux ?
Nous sommes le 18 décembre 2017 à Buenos Aires, en Argentine. Il est 14h12, il fait beau, il fait chaud, et à l'intérieur du Congrès national un projet de loi injuste qui touche principalement les retraités est en débat. Il ya quatre jours, lors d'une tentative de révocation du projet de loi, une manifestation s'est soldée par une répression brutale d'une force de trois mille policiers contre des manifestants, des piétons en liberté, des journalistes et des représentants. Une fois de plus, le nouveau gouvernement insiste et déploie une opération qui tente d'arrêter la manifestation.
La réaction : des milliers de corps s'agitent, des bras avec des mains jettent des pierres contre les rangées de policiers. Selon la loi de Newton, si un corps exerce une force sur un autre, ce dernier réagit contre le premier avec une autre force de valeur et de direction égales mais en sens inverse. Chaque action a sa réaction.
Calcaire, marbre, roche, granit, béton, asphalte, brique. Trottoir, bancs, rails, carrelages, monuments. Ce sont les morceaux d'une ville démantelée qui s'animent et réagissent. Ce sont les forces d'une foule s'écrasant sur les structures de contrôle transformant l'inactivité en activité. Que nous disions ces décombres sur nous-mêmes ?
Une archive reconstitue quatre-vingt huit morceaux de cette action. Une sorte de catalogue géologique représentant les fossiles d'une civilisation possible. Les espaces vides de Buenos Aires comme lieux actifs de résistance : Plaza de Mayo, Plaza del Congreso. Les images utilisées comme des nœuds d'informations condensés qui migrent et transforment les personnes et les systèmes. Faire une photo implique une action, c'est une autre façon de filmer. Sur ces photos, prises à quelques secondes d'intervalle, on ne voit qu'une seule main qui tient, un seul observateur ; un collectionneur.
Dans la nuit de ce même jour, le gouvernement ramasse et enlève les pierres. Toute trace d'une bataille est cachée, ces corps étranges qui gisaient dispersés sur l'espace public déclaré le malaise. Où emmener-ils ces restes ? |